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Tu te lèveras tôt - Félix Leclerc
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Tu te lèveras tôt Félix Leclerc l'homme sage, l'enseignant, le guide.

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Tu te lèveras tôt. Tu mettras ton capot. Et tu iras dehors.

 

L’arbre dans ta ruelle. Le bonhomme dans le port. Les yeux des demoiselles. Et le bébé qui dort. C’est à toi tout cela, mais qui prend le temps qu’il faut, lorsque chargé du fardeau financier de la vie ?

 

Je vais me présenter un peu sur ce plan, pour ensuite vous parler de ce que j’aurais dû faire avant mes 66 ans, soit le prendre ce temps, quoi qu’il ait pu en coûter.

 

Se lever tôt, la plupart des êtres humains le font, mais au lieu d’être pour découvrir les beautés et grandeurs de la vie, c’est pour reprendre les chaînes de la veille.

 

Je l’ai fait de l’âge quatorze ans, jusqu’à mes quarante-huit ans où j’ai tout abandonné. Je venais de vivre deux divorces en moins moins de treize ans et ça faisait déjà trente-trois ans que je portais le poids de la terreur que mon père avait instillée en moi en me frôlant sur le poêle à bois autant que de ses coups de pieds au ventre chaque fois qu’il perdait patience avec moi.

 

J’avais quand même réussi à me débattre assez pour faire vivre ma famille en me lançant en affaire à l’âge de vingt-huit ans, appris cinq métiers. Je suis devenu maître-plombier, maître-chauffagiste, maître-frigoriste. J’ai tout abandonné, car rien de tout ça ne m’avait apporté la recette pour me libérer des crises de panique qui me surprenaient ici et là, de plus en plus souvent.

 

À l’âge de quinze ans, ça avait commencé lorsqu’une jolie dame m’avait fait des avances, je m’étais promis de vaincre cette peur qui habitait au fond de moi depuis mes trois ans. Je mettrai des années à clarifier la nature de ce souvenir.

 

L’amour, le mariage, la famille, la réussite toujours à recommencer n’avait rien réglé de tout ça. J’avais toujours remis à plus tard cette priorité au profit des besoins des autres, mais à partir de ce moment je me suis promis une deuxième fois d’y parvenir.

 

Le problème c’est que je ne savais pas comment et que l’aide pour ce genre de difficulté n’existe tout simplement pas. Ce qui existe n’est tout simplement pas en mesure de vraiment délivrer un enfant qui a subi l’inceste et la torture et j’ai dû m’inventer une thérapie, mais seulement après avoir eu essayé tout ce qui nous est proposé comme devant y parvenir.

 

Cela m’a pris encore dix-huit ans et ce n’est qu’au travers d’une série d’épreuves épouvantables qu’une fois acculé au mur de mes limites d’endurance, j’ai été capable de faire tout ce qu’il fallait pour me délivrer de ce mal qui avait été diagnostiqué schizophrène.

 

Comme mes deux sœurs avaient elles aussi été diagnostiquées schizophrènes, j’y ai cru. Aujourd’hui, il m’arrive d’en douter, car je suis complètement guéri et la pseudoscience qu’est la psychiatrie affirme que cette maladie ne se guérit pas.

 

Je n’ai jamais eu d’hallucination. Mes phobies étaient à la surface sociale. Ce qui était pour moi le mal d’origine, dépressions, envie de suicide, gêne de toutes sortes… Je suis enfin heureux : je me demande si ce diagnostic n’était tout simplement qu’une erreur médicale.

 

Comme plusieurs des professionnels que j’ai consultés ne sont que de lâches menteurs, hypocrites agresseurs et profiteurs, je sais qu’ils n’admettront donc jamais ni l’une ni l’autre de ces deux possibilités. Ni la guérison possible de ni l’erreur médicale, car dans les deux cas ça coûterait de l’argent. Car même si moi, je ne compte poursuivre qui que ce soit en justice, d’autres le pourraient.

 

C’est stupide, car guérir la schizophrénie rapporterait plus que de faire semblant de la soigner en empoisonnant les malades, mais il y a plus que les 800 milliards de dollars annuels en psychotropes en jeux. J’en parle dans mes livres.

 

Hier un « chauffeur » de bus avec lequel j’aime particulièrement me déplacer parce qu’il a un air un peu rebelle, lorsqu’il défend les femmes battues et de son air de rocker aime provoquer les clients. Un peu trop faciles à la gâchette des critiques, après s’être plaint de l’un d’eaux qui chialait pour un retard d’une minute, me disait être tanné de payer pour les assistés sociaux, j’ai éprouvé un malaise en constatant son désarroi face à ce mépris des pauvres et j’ai dû y réfléchir.

 

Ce qui me surprenait c’était que lui en particulier fasse preuve de ce mépris et je me suis demandé pourquoi il critiquait tant les assistés sociaux.

 

Bien sûr, en apparence pour celles et ceux qui ne regardent pas plus loin que la première occasion de mépriser un de leurs semblables en arrive à la conclusion que c’est à cause des taxes et impôts qu’il doit payer, lui qui a le courage et la capacité de le faire et il méprisait ce jeune homme disant que s’il devait avoir recours à l’aide sociale c’était parce qu’il s’était brûlé les cellules du cerveau avec de la drogue.

 

Mais, ce genre de raisons ne me satisfont pas. Il y a plus que l’évidence en toute chose. Non. Sa complainte, c’est celle de l’homme qui arrive au milieu de sa vie, ayant cru pouvoir commencer à y vraiment vivre, à faire ce qu’il aurait aimé faire et se voit pris au piège des factures et des responsabilités, commençant à comprendre que sa retraite sera loin d’être le petit paradis de quinze ans qu’il avait cru acheter avec sa soumission et son labeur.

 

J’ai toujours beaucoup de difficulté à parler des autres, alors je vais continuer en racontant un peu comment moi j’ai vécu cet aspect de la vie.

 

Pour moi, c’était la peur de manquer de l’essentiel, de me retrouver clochard, car ma mère m’avait prévenu de ce danger, me parlant de cet avocat qui vivait au centre-ville et devait dormir sur les bancs publics.

 

Je m’étais dit tout de suite que ce devait être à cause d’une peine d’amour, ce qui est intéressant, puisqu’à cet âge, enfant, je ne savais pas... enfin, l’on sait d’avance ces choses. J’y reviendrai sur ma page concernant mes amours.

 

J’avais donc peur de manquer de nourriture, ai-je compris plus tard. Lorsque j’étais dans le monde des affaires, je devais payer la maison, les voitures, les camions, mes clients, mon entreprise, mes employés, mon chalet, mon brevet de pilote, ma licence d’administrateur, mon crédit cinq étoiles, ma réputation, etc. Mais, au fond, c’était toujours la peur de devoir dormir sur un banc de parc en plein hiver, dans les rues sales et transversales de Montréal.

 

J’en parle ailleurs, mais pour simplifier : je suis allé vivre à la rue volontairement, laissant derrière mon appartement, mes biens, un revenu garanti, et ce, en jeûnant pour vaincre cette peur.

 

Et je puis affirmer aujourd’hui que c’est cette peur qui met en esclavage les êtres humains. La peur de manquer de nourriture. La peur de manquer d’eau. La peur de manquer de vêtements. La peur de manquer de chaleur. La peur de ne pas avoir un toit au-dessus de la tête, un tout petit coin où se réfugier recroquevillé pour dormir et rêver à un monde meilleur.

 

Je répète ici ce que je raconte souvent. Je me suis privé d’eau et de nourriture pendant 28 jours, en plein été, parfois sous un soleil brûlant et j’ai jeûné plus de 55 jours trois fois, puis le dernier qui fut de 77 jours sans une seule colorie, alors je sais ce que c’est désormais et j’en ai encore peur, mais au moins je sais aussi que l’on peut très bien survivre à de telles épreuves.

 

Mes chaînes étaient encore plus lourdes que cette peur viscérale du manque de l’essentiel. Elles étaient religieuses, et ça, c’est plus que difficile à vaincre, car il faut abandonner beaucoup plus que tous ses biens, jusqu’à la nourriture et l’eau. Il faut abandonner l’illusion de la sécurité éternelle et en trouver la certitude.

 

Je l’ai fait. J’ai tout remis en question, tout critiqué et pour ce faire, j’ai dû accepter de risquer l’enfer. De là, la grande difficulté. Car oser critiquer Dieu, « tel qu’il nous fut présenté » pour un croyant tel que je le fusse, donc un adepte de la religiosité qui donne plus d’importance à l’autorité d’un livre ou d’un guide qu’à sa propre conscience sans critique par peur d’être jugé en rébellion, ça demande un courage dont peu d’êtres humains sont capables.

 

Il faut ici considérer que ma mère, une ancienne nonne, m’avait consacré prêtre à l’âge de sept ans en m’offrant l’ensemble des instruments sacrés plaqués or pour m’enseigner la célébration de l’eucharistie.

 

Voici qu’après de si longues années un nouveau-né me fut donné, Serge-Carmel né en Serge qui n’était que la crèche pour l’accueillir, car tout être humain, même riche n’est que fétu de paille tout au centre de lui-même quand il ne vit pas selon son intelligence personnelle, et se fi aux autres ou à un livre uniquement, pour choisir ses attitudes. Il manque forcément d’authenticité et ces mensonges sont les barreaux de sa geôle, ses chaînes, son collier, ses fers, sa galère.

 

En moins de deux ans, après ces remises en question, j’avais vaincu toutes mes phobies et c’est en vivant cette chanson de Félix que j’ai parcouru ce sentier qui mène à la paix de l’esprit et de l’âme.

 

Je me lève tôt. Je mets mon capot. Je sors dehors et contemple l’arbre dans ma ruelle. Le bonhomme dans le port. Les yeux des demoiselles. Et le bébé qui dort. C’est à moi tout cela.

 

Je touche la terre, la mer porteuse d’îles. Je vois les bateaux, la barrière et le moine, le château et le pont et tous les champs d’avoine. C’est mon pays.

 

Et je rentre lourd pour avoir fait le tour de ce qui est à moi. Je dis à ma mère que l’horizon est clair et elle est fière d’être de ce pays-là.

 

Y a le comté des pommes, celui des pêcheries et des bêtes de somme, l’autre des flâneries. 

 

Y a le moulin à scie, le facteur, le voleur, la politiquerie, la neige et les couleurs. C’est à moi, tout cela. 

 

Y a les faiseurs de chaises, les faiseurs de chaloupes et les faiseurs de pain... et les faiseurs de rien. Y a les retardataires, les mariages, les colères, les grands-mères aussi et les cordonneries. C’est mon pays. 

 

Les cloches dans les clochers, les quatre-vingts comtés, les cinquante mille écoles et l’or dessous le sol, les villes qui commencent, celles qui continuent, avec moi par-dessus, et les siècles qui naissent au fond des nues. 

 

Je me lèverai tôt.

Je mettrai mon capot.

Et j’irai dehors.

 

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